Nos-Marionnettes- Oeuvre de Propagande et de Perfectionnement
Président-fondateur : Gaston-Cony
éditeur : collection G.Cony – Paris
dos séparé – non circulé
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Gaston Cony est un personnage à redécouvrir; il joue en effet un rôle important dans la vie intellectuelle parisienne durant la Grande Guerre et les premières années qui suivirent l’armistice. Il est alors l’un des plus grands marionnettistes français. Son père, prestidigitateur avec G. Méliès au Théâtre Robert-Houdin, avait créé en 1890 le castelet des Buttes-Chaumont. Ce petit théâtre avait été transformé en Guignol de la guerre dès août 1914 par les soins de G. Cony qui y faisait jouer des pièces de son cru, œuvres essentiellement patriotiques et anti-allemandes. Un certain nombre d’entre elles furent d’ailleurs réunies dans un recueil intitulé Guignol fait la guerre où figurent, par exemple, Guignol en sentinelle, Le Kaiser en fuite, Noël en fuite et, enfin Guignol poilu, laquelle, selon toute vraisemblance, inspira à Apollinaire le titre du poème qui nous intéresse ici.
Mais Cony est aussi le fondateur, en 1917, de Nos marionnettes, œuvre de propagation de la culture guignolesque, que La Tramontane mentionne dans sa notule. Cette Œuvre française de propagande et de perfectionnement avait aussi son organe officiel, la revue Marionnettes et guignols, Artistique-revue, publiée à Nice. L’entreprise bénéficiait, outre le patronage officiel de Raymond Poincaré, d’un important comité de soutien formé d’écrivains et de poètes parmi lesquels on rencontre Pierre Mac Orlan, Edmond Rostand, Henri Barbusse et, évidemment, Guillaume Apollinaire.
Poème écrit le 3 avril 1917 par Guillaume Apollinaire à Gaston Cony
GUIGNOL-POILU
A Gaston Cony
Guignol, depuis ma tendre enfance
Je t’aime et toujours pense à toi,
N’es-tu pas un vrai fils de France?…
Honnête, tu nargues la Loi.
Je te vis aux Champs-Elysées,
Les baraques sont toujours là.
La joue et la bouche rasées,
Ton catogan, ton ventre plat,
Je les revis aux Tuileries,
Je te vis surtout lyonnais,
Il faut donc que toujours tu ries?…
La bonne humeur, tu la connais!…
Je me souviens des parodies,
Tu jouais la grande opéra.
Toujours, toujours, quoi que tu dies,
Je ris, je t’aime et cœtera…
Je t’ai vu dans La Dame Blanche,
L’Africaine, les Frères Coq,
Les Cloches, Faust, chaque dimanche,
Et maintenant soldat de Foch
Ou de Pétain, pour notre belle
France, en haut des Buttes-Chaumont,
Sous les ordres du grand Nivelle
Tu nous montres à tous comme on
Peut garder par ce temps de guerre
Une gaieté de bon aloi.
Ô mon cher Guignol militaire,
Toi qui ne rosses plus, ma foi,
Ni commissaire, ni gendarme,
Mais zigouilles les sales Boches,
Lundi, fais-moi donc rire aux larmes,
J’aurai des mouchoirs plein mes poches!.
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Épitaphe de Gaston CONY
Les Guignols sont des Philosophes, les plus terribles catastrophes n’ont jamais éteint leur gaîté.
Ils restent dans cette atmosphère lorsque nous les quittons pour faire le grand saut dans l’éternité
Gaston CONY
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Texte:Guignol au front des revues de Patrice ALLAIN et Gabriel PARNET