Nous sommes le 8 septembre 1912 devant ce qu’il reste de la vieille chapelle de l’abbaye de Villefranche-Saint-Phal. La ville compte 747 habitants administrés par le maire M. Gache. On est venu de loin pour assister à la grande fête qui célèbre le huitième centenaire de la fondation de l’abbaye cistercienne des Echarlis. Le Saint-Père Pie X en personne a donné sa bénédiction pour le bon déroulement des festivités. Une visite de l’abbaye a lieu, suivie d’une cérémonie religieuse à la vieille chapelle du monastère présidée par Mgr Chesnelong, archevêque de Sens.
Difficile de résumer en quelques mots huit siècles d’histoire de l’abbaye de Villefranche.
Tout commence au XIIe siècle quand un seigneur de La Ferté-Loupière nommé Vivien donne au prêtre Etienne et à ses compagnons, Thibaut et Garnier, le lieu-dit des Echarlis, pour y bâtir un monastère rattaché à l’abbaye cistercienne de Clairvaux, et des terrains autant que nécessaire à prendre sur la forêt de Wèvre pour les transformer en prés.
L’abbaye s’enrichit des donations du roi Louis le Gros acquis aux bienfaits de l’eau de sa fontaine, au goût de fer, aux mille vertus. Elle bénéficie aussi des générosités de son successeur le roi Louis VII. En ce début du second moyen-âge, le monastère de Villefranche-Saint-Phal est au sommet de sa prospérité. Les moines défrichent et mettent en valeur toute la contrée environnante. On construit même une magnifique église. Successivement, Philippe-Auguste, Saint Louis, Philippe le Bel, Jean le Bon s’intéressent à l’abbaye et lui accordent des privilèges.
Hélas, avec la guerre de Cent Ans, commence le déclin, avant la ruine. En 1357, l’église est en partie détruite par une bande d’Anglais qui y met le feu. Puis viennent les jours troublés du protestantisme, qui empêchent les Echarlis de restaurer leur antique prospérité. La grande révolution de 1790 va terminer de disperser les moines. En 1792 le monastère devenu « bien national » ainsi que les terrains qui l’entourent seront vendus à vil prix. Le nouveau propriétaire Luc Leriche démolira les bâtiments jugés inutiles pour tirer profit de la vente des matériaux.
Mais retournons en 1912, devant les restes de la vieille chapelle de l’abbaye de Villefranche-Saint-Phal à l’occasion de la célébration du 800ème anniversaire de la fondation de l’abbaye cistercienne des Echarlis. Nous sommes le 9 septembre, au lendemain de la cérémonie de commémoration. Le maire de Villefranche, fort d’un arrêté interdisant tous pavoisements autres que ceux aux couleurs nationales ou étrangères, dresse un procès-verbal à M. Camille Couillault pour avoir décoré la façade de sa maison de drapeaux pontificaux. M. Couillaut sera condamné à neuf amendes de un franc chacune ( une par drapeau) et on lira dans la presse « Si le maire de Villefranche cherchait une occasion pour se rendre ridicule, il l’a trouvé. »
En regardant la carte postale, en découvrant l’histoire de ce monastère, j’imagine de grandes fêtes en tenues d’époque autour de la porterie de l’abbaye des Echarlis. Sans en faire le Puy du Fou, l’idée pourrait séduire nos élus d’organiser avec le soutien des associations locales, un événement festif. Ce serait une belle façon de nous réunir autour de ce lieu passionnant rempli d’histoires, grande et petites.