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Les Ramoneurs
Série Paris pittoresque
Éditeur – Kunzli
Dos simple – non circulé
§
Le petit ramoneur
Qui de nous n’a appris par coeur, dans son enfance, le touchant poème inspiré à Guiraud par le Petit Savoyard
Va, mon enfant, pars pour la France.
Que te sert mon amour ?… Je ne possède rien…
Qui de nous n’a fredonné le couplet célèbre de la Grâce de Dieu
Tu vas quitter notre montagne
Pour t’en aller bien loin, hélas !…
Et moi, la mère et ta compagne,
Je ne pourrai suivre tes pas…
Le héros de ces deux œuvres, c’était le petit ramoneur, le pauvre gamin venu du Piémont ou de la Savoie, et qu’on voyait passer dans les rues avec son bonnet pointu, ses jambières, sa face noire où brillait la clarté d’un regard juvénile, et, sur le dos, son lourd paquet de cordes où pendait le « hérisson ».
Eh bien, nous ne verrons plus le petit ramoneur, à Paris du moins.
Car il n’ y a plus à Paris de cheminées pour les petits Savoyards.
Le progrès et les nouveaux règlements les ont privés de leur industrie saisonnière.
Les cheminées ordinaires ne doivent plus être construites dans Paris qu’avec des tuyaux de poterie de 33 centimètres de largeur et de 5 centimètres d’épaisseur.
Or, pour débarrasser de pareilles conduites de leurs couches de suie, le hérisson suffit.
Les petits Savoyards étaient surtout occupés au « pigeonnage » des larges cheminées.
Ce travail consistait à réparer les parois de plâtre des grands coffres à l’aide d’une planchette servant à contenir le plâtre, fraîchement gâché, jusqu’à’ à ce qu’ il soit pris et qui était ensuite descellé et reporté plus haut, Le ramoneur, suspendu , dans le coffre, répétait ainsi l’ opération tout au long de la fissure, travaillant sans relâche jusqu’ à ce que l’ heure vînt de rejoindre ses petits camarades sur le grabat d’ une mansarde louée pour la saison par leur patron.
La vie de ces enfants était souvent des plus misérables ; ils devaient rapporter, le soir, le produit de leur tournée au chef de la colonie qui les avait loués dans le pays et ne les nourrissait pas toujours à leur faim.
Les coups pleuvaient dru parfois sur le corps de ces petits malheureux, si le travail avait été peu productif ou lorsqu’ ils s’étaient oubliés à musarder dans la capitale.
La tradition professionnelle voulait que le petit ramoneur, sa corvée finie, montât sur la cheminée et chantât sa petite chanson.
Nous n’entendrons plus ces mélopées qui semblaient venir du ciel comme des chants d’oiseaux.
Depuis longtemps déjà, les ramoneurs ne poussaient plus le cri du métier
A ramona
La chemina du haut en bas.
le fracas de nos rues avait couvert leurs voix.
A présent, c’est la petite silhouette elle-même qui disparaît, la petite silhouette minable et souffreteuse.
Donnons lui un souvenir, car elle emporte avec elle un peu de nos émotions d’ enfance, et nous ne saurions oublier que c’ est elle qui, la première, éveilla dans notre âme le sentiment de la pitié.
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« Le Petit Journal illustré du 22 Septembre 1907 »
Le Monde du petit Journal