Sports : Traversée de Paris à la nage 1907-Les concurrents au départ
éditeur ELD – ( Ernest Louis le Deley )
Dos séparé – non circulé
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Pour la troisième fois, en trois ans, hier, en Seine, s’est disputée’ l’épreuve dite de la traversée de Paris à la nage. Comme par le passé, cette course a obtenu un succès des plus vifs. Les Parisiens, en foule pressée, se tenaient sur les quais, de Bercy à Auteuil, acclamant ferme les concurrents à leur passage. Et certes, cet enthousiasme était justifié. L’eau n’était pas chaude, hier matin : dix-sept degrés à peine, accusait le thermomètre. Ce qui n’empêcha point les vaillants nageurs de battre tous les records. On escomptait généralement que le premier ferait les Il kilomètres 600 du parcours en deux heures trois quarts.
Il se contenta de deux heures dix-huit minutes, réalisant une superbe prouesse. Ajoutons toutefois que le courant assez violent aidait beaucoup les nageurs. N’empêche que, couvrir près de 12 kilomètres à la nage, à une vitesse moyenne de plus de cinq kilomètres à l’heure, n’est pas à la portée de tout le monde, et il faut chaudement féliciter les Billington, les Estrade — surtout le dernier à peine âgé de seize ans — les Cattaneo, les Altieri, les Heaton, les Paulus, Ils donnèrent, hier matin, un bel exemple d’énergie sportive.
Le départ fut donné à huit heures du matin, au pont National. Malgré l’heure matinale, une foule nombreuse y assistait.
Apres s’être enduit le corps d’huile et de farine de moutarde, dans le but de combattre le froid, les nageurs suivants se jetèrent hardiment à l’eau : Cattaneo (Italien), Latinier (Français), Bougoin (Français), Bobur (Autrichien), Paulus (Français), René Godet (Français), Heaton (Anglais), Altieri (Italien), Burrows (Anglais), Billington (Anglais), Bernhard (Français), Privale-Glynn (Anglais), Billy (Français), Estrade (Français), Greasley (Anglais). Enfin, deux nageuses anglaises, miss Johnson et miss Silvia, n’avaient pas craint de tenter l’aventure, elles aussi. En suivant les Quais : A pied, à bicyclette, à motocyclette, en fiacre, en auto, la foule suit l’épreuve sur les quais. Il y a bien un bateau suiveur. La presse y est conviée. Mais la presse est laissée à terre parce qu’il y a trop d’entrées payantes… Evidemment, il est d’usage de recevoir, lorsqu’on invite quelqu’un. Mais il est, paraît-il, des exceptions aux usages.Des quais, donc, en voiture, nous suivons l’épreuve. Aussitôt après le plongeon du départ Billington a pris la tête, nageant à l’anglaise, l’over arm stroke, en termes techniques. C’est, du reste, cette nage que tous les concurrents, sauf miss Jonnson et miss Sylvia, qui « brassent « , ont adoptée.
Au pont de Tolbiac, c’est-à-dire à moins de 700 mètres du départ, Billington a déjà pris à ses suivants immédiats près de 100 mètres. Les autres viennent ensuite assez groupés.
Au pont d’Austerlitz, le leader paraît toujours nager sans effort. Il a encore augmenté son avance. Il en sera du reste ainsi jusqu’à l’arrivée.
Mais déjà les premières défaillances se produisent : l’Anglais Private Glynn abandonne, gelé, dit-il. Seul le Français Estrade | se détache et fait l’effort pour conserver la distance qui le sépare de Billington.
Puis, l’épreuve se poursuit.. Les concurrents, maintenant échelonnés sur près de 2 kilomètres, nagent, nagent sans répit. La course est très rapide. Quelques-uns, victimes d’efforts excessifs et aussi de la température de l’eau, cèdent à leur tour ; ce sont : ! l’Autrichien Bobur, les Anglais Burrows et ! miss Sylvia, le Français Bernhard. Au pont du Trocadéro, seuls restent à l’eau Billington (Anglais), Estrade (Français), Cattaneo (Italien), Billy (Français),Altieri ‘Italien), Bougoin (Français., Heaton (Anglais), Paulus (Français), Latinier (Français;, Godet (Français) et mise Johnson (Anglaise). A quelques mètres de là, notre champion, Bougoin, l’un des favoris de l’épreuve, est pris, lui aussi, d’une défaillance et ses managers doivent le remonter dans son canot suiveur.
L’Arrivée : Au point d’arrivée, près du viaduc d’Auteuil, une tribune est élevée. Peu de monde, il faut payer pour entrer. Les Parisiens s’y refusent. N’ont-ils pas vu la course tout au long des quais, gratis!
A dix heures et demie* le premier est signalé : c’est Billington, qui s’avance rapidement, battant rudement le flot d’un bras puissant. Le nageur touche au but. Un « speaker » annonce que te parcours a été accompli en 2 heures 18 minutes 23 secondes. On applaudit, on crie, on bat des mains. Billington, lui, remonte tranquillement sur La barque qui le suivit pendant la course. Billington a largement battu le record de Jarvis, record établi l’an dernier en 2 heures 42 minutes.
Puis c’est le petit Estrade, le gamin d’un peu plus de quinze ans, qui termine à son tour, a quelques minutes du premier. Estrade parait fatigué. On le serait à moins. Remonté sur son canot suiveur, il s’affale, cependant qu’on le frictionne vigoureusement.
L’Italien Cattaneo arrive ensuite; puis c’est le tour d’Altieri, un autre Italien, de l’Anglais Heaton, du Français Paulus. Voici, d’ailleurs, le classement de l’épreuve:
Ier Billington, en 2 heures 18 m. 23 s.
2e Estrade, en 2 h. 29 m. 31 s,
3e Cattaneo, en 2 h. 31 m. 26 s.
4e Altieri, en 2 h. 35 m. 25 s.
5e Heaton, en 2 h. 36 m. 9 s.
6e Paulus, en 2 h. 36 m. 21 s.
7e Latinier, en 2 h. 44 m.
8e Miss Johnson, en 3 h. 10 m. La nageuse anglaise arrive au but, souriante, pas fatiguée du tout. O honte ! pour le sexe dit fort, dont plus d’un représentant ne termina point la course ! Et maintenant à la prochaine traversée de Paris à la nage : celle des amateurs. Espérons qu’il fera plus chaud ! Max AVENAY le petit Parisien 1907/07/08